22/06/2017 - Portraits
Micheline Leurson
La pure passion des courses
Celle que l’on nomme « la cavalière du siècle » doit certes cette appellation à ses innombrables victoires - son palmarès demeure inégalé à ce jour -, mais aussi au lien extraordinaire qui l’a toujours unie à l’univers des chevaux. c’est grâce à cette pionnière hors du commun que les femmes jockeys continuent d’écrire l’histoire des courses – dont elle rédigea les premiers chapitres, notamment ceux du Grand Steeple-Chase de Paris. En témoigne entre autres Maryline Eon, première femme au départ du prix de Diane Longines.
Douze fois tête de liste aux Cravaches d’Or et Championne européenne à trois reprises, Micheline Leurson a connu un parcours de cavalière à tout le moins éblouissant en remportant, au total, pas moins de 149 gagnants – ce qui représente une victoire toutes les deux montes et demi. Et si elle ne concourt plus aujourd’hui, elle n’en reste pas moins active dans ce milieu qui a bercé non seulement sa remarquable carrière, mais aussi toute sa vie. « Jeune, j’ai attrapé un virus : celui de la passion des courses », sourit-elle, « et à ce jour il n’est toujours pas guéri ». Mais alors, y avait-il des éléments propices pour favoriser cette vocation ?
« Mon père étant jockey d’obstacles, j’allais aux courses avec mes parents, et de fil en aiguille je me suis dit ‘mais pourquoi pas moi ?’ ». Pourtant, avant l’âge de l’adolescence, la jeune fille ne reçoit pas de bénédiction parentale pour monter. « Mes parents estimaient que cela comportait trop de risques ». Mais l’évidence est là, Micheline est une excellente cavalière alors qu’elle ne monte presque jamais. Elle doit avoir cela dans le sang, car âgée seulement de quelques années, lorsque durant la guerre les bombardements se font entendre depuis la maison familiale, elle se rend toujours dans une pièce où elle attelle des chaises avec des bouts de ficelle. « Les chaises, c’était des chevaux ! », se souvient-elle. « J’organisais des courses et je tapais sur les chaises avec une cravache ». Et un jour, ce ne furent plus des chaises qu’elle fit gagner, mais bien des chevaux… Car l’histoire suivit son cours.
« Quand je fus opérée de l’appendicite, ma mère vint me voir à l’hôpital avec un poste de radio, comme il n’y avait pas encore de télévision dans les chambres à cette époque », poursuit-elle. Et là, elles entendent qu’une course officieuse de cavalières va être organisée – une grande première. « Cela a fait tilt en moi, je me suis dit ‘il faut que je monte’ ! », nous dit-elle avec l’émotion d’un souvenir qui a marqué une étape marquante. Cette course se déroulait sur l’hippodrome de Fontainebleau, non loin de chez la jeune fille. Elle y participa et termina dans les dernières. « Cela m’a profondément interpellée, et je me suis dit qu’il fallait persévérer et essayer de faire mieux ». Et de fait, c’est ce qu’elle n’arrêta plus de faire, comme un défi permanent face à cette première expérience. Avait-elle des idoles, des modèles ? « Yves Saint-Martin et Freddy Head, deux génies issus de mondes différents et qui se complétaient admirablement », nous dit-elle sans hésitation en évoquant ces jockeys de légende.
Regarder vers le haut
Son caractère contribua certainement aussi à la sphère de succès qui entoura son chemin de cavalière : « je suis très disciplinée et dure avec moi-même », confie la championne qui a conservé une hygiène de vie draconienne, se levant et se couchant très tôt, continuant à faire beaucoup d’exercice et ne buvant que de l’eau. « Quand j’étais jeune on m’a dit ‘regarde vers le haut, jamais en bas’ ». Un conseil qu’elle a érigé au rang de maxime personnelle, et dont les augures ont éclairé chaque défi relevé, chaque effort accompli, chaque course gagnée. Même si elle pense avoir eu de la chance - une chance dont elle qualifie l’effet de « boule de neige » -, le mérite ne s’invente pas. « Monter pour les plus grands entraîneurs, comme Madame Alec Head, Monsieur François Boutin, Monsieur François Mathet (pour l’Aga Khan) ou encore Monsieur Marcel Boussac, cela vous dope et vous stimule », relève-t-elle du reste. Et pourtant, Micheline Leurson n’est pas de ceux qui ont, d’emblée et tout de go, confiance en eux. « Mais lorsque j’arrivais au rond de présentation et que je recevais les ordres par rapport au cheval que je devais monter, je les analysais, et quand le lad me donnais la jambe et que je me retrouvais sur le cheval, j’étais une autre femme ». C’est-à-dire ? « Je me sentais sûre de moi, j’avais l’impression que le cheval et moi, nous nous étions toujours connus, et je ressentais une sorte de feeling réciproque ». Un sens de l’analyse assorti d’une confiance que Micheline retrouvait en course, dans les boîtes de départ.
L’importance du respect
Et selon Micheline Leurson, quelles sont les qualités d’un bon cavalier ? « Avoir de la patience, une main agréable sur la bouche du cheval, un très bon équilibre, ne pas se battre avec le cheval et surtout, avoir beaucoup de sang-froid et de respect des autres sur le parcours ». Un fameux programme ! Et du côté de l’entraineur ? C’est l’instinct. « C’est important de bien observer les mouvements du cheval, sa marche, son épaule, ses reins, son œil ». Et, si elle n’a jamais endossé ce rôle, Micheline a quand à elle beaucoup apprécié d’être conseillère de grandes écuries et commissaire de courses.
Un dialogue permanent
Actuellement membre de l’Ecurie Bering - une écurie de groupe d’ARQANA Racing Club -, cette cavalière hors pair apprécie particulièrement l’esprit qui y règne : « il y a une très bonne entente entre les 40 copropriétaires, chacun donne son avis et c’est très intéressant ». Quant à ARQANA – agence leader des ventes aux enchères de chevaux de courses en France -, Micheline Leurson en est élogieuse : « cette écurie est très bien gérée par ARQANA », souligne-t-elle. Et pour cette grande dame qui a consacré sa vie aux chevaux et à la compétition, l’Ecurie Bering est comme une continuation de la magie qui a nimbé la poursuite de ses rêves. Ceux des courses, ceux des couleurs pour lesquelles elle s’est donnée à fond et ceux des victoires, sans oublier la superbe contribution qu’elle a apportée à la place et à l’évolution des femmes dans cet univers.
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