19/09/2017 - Lifestyle
PLATON
Le photographe
Le célèbre photographe Platon a traversé l’Atlantique pour conquérir New York, où il s’est forgé une réputation en faisant des portraits étonnants des personnages les plus puissants et influents du monde.
Il n’est pas facile de photographier les puissants de ce monde, hommes politiques ou chefs d’État.
Il faut d’abord régler la question de l’accès: comment fait-on pour rencontrer quelqu’un qui dirige un pays?
Plus une personne est importante, plus son entourage est nombreux et plus la sécurité et les contrôles RP sont rapprochés, ce qui réduit les opportunités de saisir un moment significatif.
Et lorsqu’on parvient à organiser une séance photo, on court le risque de se voir imposer des règles et de devoir travailler dans la précipitation.
C’est pourquoi on est d’autant plus en admiration face à la manière dont Platon parvient à réaliser des photos extraordinaires des acteurs les plus proéminents de la scène internationale – dont certains comptent parmi les plus célèbres.
Il me semble essentiel de faire tomber la façade, que je dispose de 30 secondes – comme lorsque j’ai photographié Hugo Chavez, ...
Par exemple, on se demande encore comment il est parvenu à faire en sorte que Bill Clinton baisse sa garde le temps de faire un portrait très révélateur – qui a fait dire à certains que c’est ‘une photo qui en a…’ – ou quelle est l’histoire derrière cette photo icône, légèrement menaçante, de Vladimir Poutine?
L’occasion pour Platon d’aller à New York s’est présentée lorsqu’il fut invité à travailler pour feu John Kennedy Jr et son magazine politique, ‘George’. Ayant travaillé plusieurs années pour l’édition britannique de Vogue, sa réputation de portraitiste n’était plus à faire.
Les grands noms
La première célébrité photographiée par Platon fut le chanteur soul James Brown… et il sortit de l’expérience avec des sentiments mitigés.
« J’avais devant moi cet incroyable bonhomme, et je sentais qu’il m’échappait. Il y avait autour de lui tout un gang de prédateurs affamés armés de leur appareil, et ce n’était absolument pas des circonstances permettant de réaliser un portrait intime. C’était un moment important dans mon parcours, parce que je me suis rendu compte que cela ne me correspondait pas: je n’avais pas envie de me battre parmi la foule pour capter un regard. Je voulais un face-à-face avec mon sujet, dans mon environnement, où je pourrais être en relation avec lui, le cerner, sentir sa personnalité et entrer en contact.
À partir de là, j’ai décidé de faire les choses autrement. Pour moi, s’asseoir ensemble, créer un espace d’intimité, entrer en relation et être dans le respect mutuel est si inhérent à mon travail que je ne peux pas fonctionner autrement. »
À notre époque où même Monsieur Tout-le-Monde présente une image ‘de marque’ soigneusement élaborée par des selfies pris sous les angles les plus flatteurs, il faut un œil très aiguisé pour percer la carapace et accéder à une interprétation plus réaliste qui pourrait en réalité révéler un peu plus.
« Je crois que plus que jamais, nous avons besoin d’un sentiment d’authenticité et de vérité, déclare Platon. Nous avons besoin d’occasions de plonger notre regard dans les yeux de l’autre et de lui demander: ‘qui es-tu vraiment?’ Qu’est-ce que cela fait réellement de rencontrer cette personne? Que ressent-on lorsqu’on est en présence de Poutine ou d’Obama? Quel est l’impact sur soi?
« Il me semble essentiel de faire tomber la façade, que je dispose de 30 secondes – comme lorsque j’ai photographié Hugo Chavez, le Président du Venezuela – ou d’une heure. Ce n’est pas une question de temps, mais plutôt d’énergie et de volonté d’entrer en relation.
Lorsque le Time Magazine a envoyé Platon à Moscou pour photographier Poutine, par exemple, il a dû consacrer une semaine entière à la prise de vue de manière à être prêt au pied levé pour saisir son appareil et prendre la photo. Cinq jours après son arrivée, une BMW noire s’est arrêtée devant son hôtel pour l’emmener au rendez-vous, dans la datcha privée de Poutine, au cœur d’une sombre forêt gothique à l’extérieur de Moscou.
« À mon arrivée, il y avait des snipers partout, et un bon mètre de neige, se rappelle-t-il. On se serait cru dans une scène de film pendant la guerre froide. Ils m’ont fait déballer tout mon matériel dans la neige avant de me faire entrer dans le bâtiment, où j’ai attendu dans une pièce pendant huit heures et demie! Puis ils m’ont dit: ‘Vous avez 15 minutes pour installer vos éclairages’. Il y avait 20 paires d’yeux braquées sur moi, surveillant mes moindres gestes. Comme j’avais besoin d’électricité, je me suis approché d’une prise pour débrancher la fiche qui s’y trouvait. Instantanément, un garde s’est mis à hurler en montrant le câble que j’étais sur le point de débrancher. Il était relié à un téléphone rouge muni d’un bouton, posé sur le bureau et protégé par une cage en verre.
Pour détendre l’atmosphère, Platon a alors engagé la conversation: « Je suis un grand fan des Beatles. Et vous? » Et lorsque Poutine répondit qu’il les adorait, la glace était rompue. C’est alors que la conversation a pu commencer. « À la fin, il m’a demandé s’il pouvait avoir une photo de nous deux. J’ai donc demandé à un de ses gardes de prendre mon petit appareil et j’ai passé mon bras autour de lui pour la prise de vue. »
Platon aurait-il pu envisager un jour d’arriver là où il est aujourd’hui?
« Je pensais qu’il me faudrait 15 ans de moins pour en arriver où j’en suis aujourd’hui, confesse-t-il. J’aurais parfois eu envie que les choses se passent plus vite parce que j’ai ce sentiment très désagréable que le temps file à toute vitesse. Mais évidemment, je suis en réalité très content parce que ce temps supplémentaire m’a donné l’occasion de mûrir, de sorte que je sais à présent comment éviter les pièges de l’ego et conserver mes repères moraux. Je suis aujourd’hui plus efficace, plus conscient des aléas de la vie, et j’apprécie davantage ce que j’ai. Si cela m’était arrivé plus tôt, je serais passé à côté ».
Photos par Platon
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