par Nathalie Marchal -

Photos Nuno Madeira

Nicolas Caullery

Entraîneur de chevaux de course

A 37 ans, Nicolas Caullery peut se targuer de connaître une ascension fulgurante : à la tête d’une écurie de 60 chevaux de course à Chantilly, il s’est installé comme entraîneur il y a à peine 5 ans et a commencé avec un cheval, celui d’un propriétaire qui lui a fait confiance. Rencontre.

par Nathalie Marchal -

Photos Nuno Madeira

Nicolas Caullery

Entraîneur de chevaux de course

A 37 ans, Nicolas Caullery peut se targuer de connaître une ascension fulgurante : à la tête d’une écurie de 60 chevaux de course à Chantilly, il s’est installé comme entraîneur il y a à peine 5 ans et a commencé avec un cheval, celui d’un propriétaire qui lui a fait confiance. Rencontre.

Nicolas Caullery

Les Grandes Ecuries de Chantilly, un jour de course en plein cœur de juillet, résonnent d’un joyeux écho, celui des sabots des chevaux, des conversations échangées entre entraîneurs et propriétaires, et des commentaires que tout un chacun, familier de ces réunions, partage avec ses condisciples. Joyau architectural du XVIIIe siècle, celles qui sont les plus grandes écuries d’Europe forment un cadre d’un autre temps, chargé d’histoire, d’émotion, et certainement aussi d’espoirs enragés voire débridés. Il y règne cette élégance si typique de l’univers équestre : l’élégance des lieux, celle des gens, celle des chevaux. Une sorte de modus vivendi qui existe depuis toujours et n’a absolument rien de suranné. Nicolas Caullery nous y accueille, souriant, l’attitude chaleureuse, l’allure concentrée. Lorsqu’on s’immerge dans ce microcosme aux rouages impeccablement rodés et éprouvés, l’appréhension du monde des champs de course s’apparente à une expérience totalement fascinante, d’autant que le jeune entraîneur nous en fait partager le déroulement.

Nicolas Caullery

Ma méthode, je l’ai développée à force de monter, de regarder les chevaux, d’aller aux courses.

Une passion de toujours

Originaire du Nord de la France, Nicolas Caullery est arrivé à Chantilly à l’âge de 14 ans. Son père, passionné de chevaux, l’emmenait sur les champs de courses tous les week-ends quand il était enfant. « Il tenait un hôtel-restaurant avec un point de vente PMU. Mes frères et sœurs et moi avons donc baigné dans cet univers depuis toujours ». Nicolas est cependant le seul qui accroche vraiment. A l’âge de 10 ans, il commence à monter des chevaux de course. Il rentre ensuite à l’école d’apprenti jockey, à 14 ans. « Depuis tout petit, je rêvais d’être jockey, mais la nature en a décidé autrement » explique-t-il. Et de fait, dès le début de son adolescence, elle fait de lui un jeune homme de haute taille. « Du coup, je fus vite trop lourd. Je me suis donc orienté vers d’autres activités. J’ai travaillé dans diverses écuries de course où j’ai eu des responsabilités, et ensuite j’ai été voir comment cela se passait à l’étranger – notamment au Japon et aux Etats-Unis ». Ayant passé sa Licence d’Entraîneur en 2009, il décide, en 2011, de s’installer.

Nicolas Caullery
Nicolas Caullery
« C'est le retour de Don Papa, qui n'a pas couru depuis 6 mois. Je veux surtout le tester sur les 3000 mètres »

Et choisit Chantilly. On peut dire qu’en 23 ans de passion des chevaux et à 37 ans, il en a déjà fait du chemin... Avec combien de chevaux a-t-il commencé, il y a cinq ans ? « Un », répond-il simplement. « Il appartenait à un propriétaire qui m’avait soutenu avant que je ne m’installe, en me disant qu’il allait m’aider. Il a tenu promesse. On a gagné une course, puis acheté un deuxième cheval, ensuite un deuxième propriétaire m’a rejoint, et j’ai moi-même acheté un cheval... ». Et voilà comment une belle histoire de ce type démarre sur les chapeaux de roue, à partir de rien.

Devenir un entraîneur réputé

Aujourd’hui, avec soixante chevaux et une quarantaine de propriétaires, l’écurie de Nicolas Caullery remporte des résultats impressionnants. Car en matière de courses, le succès ne tient qu’à cela : les résultats. « Il n’y a que cela qui compte », confirme le jeune entraîneur, pour qui le bien-être des chevaux est essentiel. « Dans une écurie comme celle-ci, il y a un grand turn-over », explique-t-il. Et de fait, tous les chevaux ne sont pas faits pour être des champions de course, certains sont réformés ou se sont malheureusement blessés, partent en vacances ou à la retraite, alors que d’autres sont vendus et que des nouveaux rejoignent l’écurie... « Nous veillons à ce qu’ils soient tous bien. C’est dur d’être cheval de course, ils n’ont pas demandé cela. Chez nous, ceux qui partent sont tous replacés ailleurs en contrepartie de bons soins ».

Nicolas Caullery
« Le jockey et moi, nous parlons la même langue »

Fulgurante ascension

Mais quelles sont les clés d’un tel succès ? « On a sans doute eu une petite part de chance, cela fait aussi partie des courses », reconnaît-il. « Mais aussi, nous étions là au bon moment, cela s’est bien passé, nous avons acheté les chevaux qu’il fallait, couru les courses qu’il fallait, et obtenu des résultats ». Aujourd’hui, des « grosses casaques », comme on dit dans ce milieu, lui font confiance, et il ne ménage aucun effort pour répondre à leurs attentes.

Nicolas Caullery

Une véritable entreprise

En tant qu’entraîneur, comment appréhende-t-on ses chevaux ? « On les connaît par le ressenti des cavaliers qui les montent, la manière que l’on a de les travailler en fonction des objectifs déterminés, et aussi par le fait de les voir tous les jours, de les peser, de connaître leur poids de forme, ainsi que par la manière dont ils se déplacent et se comportent ». Et d’après lui, qu’est-ce qui fait un ‘bon’ entraîneur ? « Avant tout, il faut être un bon gestionnaire », répond-il sans hésiter. Car une écurie de course, c’est une entreprise. « Ensuite, c’est une question de vision. « Il ne suffit pas de faire travailler un cheval et de mettre un jockey dessus. Il y a un ressenti, une intuition. C’est difficile à expliquer, parce que toutes les méthodes de travail sont bonnes, et que chaque entraîneur a la sienne ». Après, il faut aussi, bien entendu, que les chevaux soient bien nourris, que l’on s’occupe convenablement d’eux et qu’ils reçoivent les bons soins, avec un vétérinaire et un maréchal ferrant compétents. « C’est tout un ensemble », confirme-t-il, « mais la base, c’est la qualité intrinsèque du cheval ».

Nicolas Caullery

Un couple, une famille

Egalement entraîneur – et depuis plus longtemps que lui –, Marine Henry, la compagne de Nicolas Caullery, s’occupe, elle, de dix chevaux. « Cela nous fait soixante-dix chevaux à l’écurie. Nous travaillons ensemble, mais sous nos noms respectifs ». Marine Henry nous rejoindra d’ailleurs un peu plus tard, car elle a également un cheval qui court ce jour-là. Charles, leur charmant petit garçon, gambade près d’elle et vient se jeter dans les bras de son Papa. « Il est déjà fou de chevaux », se réjouit Nicolas Caullery.

Les courses, un rituel immuable

« Là je prends la première avec Don Papa, un cheval que j’entraîne depuis peu. Pour cette réunion, ils sont cinq partants, c’est l’occasion de voir comment il se comporte », commente-t-il en allant chercher la selle. « Le jockey va aller se peser au poids programmé, avec la selle, la casaque, le pantalon et les bottes, ce qui est officialisé par le peseur », poursuit-il. L’entraîneur prendra ensuite la selle pour la mettre lui-même sur le cheval.

Nicolas Caullery
« J'ai toujours l'avenir à l'esprit quand je travaille »

Après, il retrouvera le jockey au Rond de Présentation pour lui donner ses instructions finales quant à la tactique de course à adopter. Pour l’heure, Nicolas Caullery s’en va donc seller Don Papa, et, final touch « maison », brosser sa croupe en damier. « Don Papa est un cheval que je veux surtout tester sur les 3000 mètres », commente-t-il. « Au micro, on entend une voix féminine qui résonne dans l’hippodrome : « les jockeys montent à cheval pour la première course ». Un double son de cloche, une autre voix qui intime « en selle Messieurs s’il vous plaît ». Nicolas Caullery s’approche de Don Papa, qui porte le numéro 3, pour donner ses recommandations à Anthony Crastus. Celui-ci l’écoute attentivement, acquiesce de la tête et répond brièvement. On sent une belle connivence entre l’entraîneur et le jockey, de même qu’avec sa monture et les propriétaires du cheval venus assister à la réunion de course.
« Les chevaux sont au départ de la première course », annonce la voix féminine au micro. Chacun saisit ses jumelles. Et c’est parti. Les chevaux font deux tours de piste au canter d’échauffement. Ensuite ils s’élancent. Le commentateur détaille chaque allure et position de près. Don Papa se comporte très bien, son entraîneur est satisfait. Tout va très vite, c’est vraiment le cas de le dire. Et quand on retrouve ensuite les chevaux et leurs cavaliers, c’est impressionnant de constater comme les chevaux ont donné d’eux-mêmes : ils sont tout essoufflés, comme les chiens quand ils ont vraiment bien couru, et leurs veines saillent sur leurs flancs.

Nicolas Caullery

Les Ronds de Détente

Devant chaque écurie se déploient les Ronds de Détente. C’est là que l’on marche les chevaux en moyenne une heure avant la course. « Don Papa est sorti ce matin, là il a marché 1 h et après la course il va marcher au même endroit pendant un bon trois quart d’heure, ce qui équivaut au temps de récupération ». Une fois qu’il a bien récupéré et repris son souffle, il peut boire, puis on retourne au box et on le laisse décompresser. A la fin, quand tout est terminé – il y aura encore eu une pesée après la course, ainsi qu’un passage chez le vétérinaire –, on ramène tout le monde à la maison. « Et alors on refait le match, comme on dit en football : on aurait pu gagner si... On aurait dû faire ça... », sourit le jeune entraîneur qui collectionne les résultats. « Et sur France Galop, nous pouvons revoir toutes les courses de nos pensionnaires, ce qui nous permet de faire une analyse à froid », précise-t-il.

...Ils ne parlent pas, alors il faut les sentir !

Nicolas Caullery
Nicolas Caullery

L’exigence des courses

« La majorité de mes propriétaires sont des amis », confie Nicolas Caullery, « et pour beaucoup d’entre eux, le monde des courses est un loisir, comme pour d’autres le fait d’avoir un bateau, par exemple ». Et concrètement, comment cela se passe-t-il ? « En fonction des conditions de course et de la distance, je décide d’engager tel ou tel cheval ». Et question jockey ? C’est également lui qui les choisit. « Je collabore beaucoup avec Anthony Crastus, qui vient travailler les chevaux le matin à la maison et qui connaît bien notre écurie », précise-t-il. Les chevaux sont entraînés tous les jours. « Ce sont des sportifs que j’essaie d’amener au plus haut niveau pour qu’ils soient compétitifs dans les courses dans lesquelles je les engage ». A l’entraîneur donc de déceler s’ils doivent courir plutôt sur 2000, 3000 ou 1600 mètres, plutôt sur le gazon ou sur le sable, sur la corde à droite ou à gauche... autant de paramètres qui peuvent être déterminants en fonction de la manière dont les chevaux travaillent et récupèrent. « Ils ne parlent pas, alors il faut les sentir ! », conclut Nicolas Caullery. Et, dans ses yeux, brillent l’amour et le respect de ceux qu’il entraîne à donner le meilleur d’eux-mêmes.

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