14/03/2017 - Lifestyle

par Pierre Darge

Le cheval du comte

FERRARI

Le cheval cabré du blason Ferrari est, depuis des décennies, l’emblème de la marque. L’homme qui a inspiré ce logo ne fréquentait pourtant pas les circuits de course ; c’était un héros de guerre et un passionné d’équitation. Récit d’un héros tombé pour son pays et d’un cheval ressuscité.

par Pierre Darge

Le cheval du comte

FERRARI

Le cheval cabré du blason Ferrari est, depuis des décennies, l’emblème de la marque. L’homme qui a inspiré ce logo ne fréquentait pourtant pas les circuits de course ; c’était un héros de guerre et un passionné d’équitation. Récit d’un héros tombé pour son pays et d’un cheval ressuscité.

Longines World’s Best Racehorse

Le comte Francesco Baracca a tout du héros en Italie. Un musée lui est consacré. Des monuments ont été érigés à sa mémoire. De nombreuses rues et places portent son nom. Une gloire et des honneurs qui n’ont rien d’usurpés puisque durant sa brève carrière, ce jeune homme de bonne famille, pilote de chasse émérite dans l’armée de l’air, a abattu pas moins de 34 appareils ennemis – d’où son surnom d’as des as.

Baracca fut pourtant cavalier avant d’être pilote. Né en 1888 à Lugo di Romagna, fils d’un riche propriétaire terrien, il fréquente une école privée de Florence et poursuit sa formation à l’académie militaire de Modène où il donne libre cours à sa passion pour les chevaux. Il intègre, en 1910, le prestigieux régiment Piemonte Reale Cavalleria et se distingue lors de divers concours équestres. Un jour, il assiste à une démonstration de vol à l’aéroport de Rome-Centocelle ; c’est le coup de foudre. Le hasard vient de décider de son destin : le comte sera pilote !

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Il apparaîtra pour la première fois le 9 juillet 1932 en Belgique, à l’occasion des 24 heures de Francorchamps remportées cette année-là par Antonio Brivio et Eugenio Siena sur Alfa Romeo 8C-2300 LM. Le premier, également professionnel mondial de bobsleigh, remportera deux Targa Florio et une Mille Miglia. Siena se classera quant à lui deuxième aux Mille Miglia de 1934, avec Tazio Nuvolari.

Héros volant

Le jeune Baracca suit des cours de pilotage à Reims et décroche son brevet le 9 juillet 1912. Il est rapidement affecté au Battaglione Aviatori et rejoint la 5e et la 6e Squadriglie. Le voilà fin prêt à servir son pays. L’Italie, toutefois, se tient à l’écart au moment où éclate la Première Guerre mondiale et ne se joint aux combats qu’en mai 1915. Baracca reçoit pour mission de s’entraîner sur les avions de reconnaissance biplaces Nieuport 10, mais ces derniers ne font pas le poids contre les raids austro-hongrois. Ils manquent de vitesse et sont lents à prendre de l’altitude. Les pilotes, frustrés, décollent donc souvent sans éclaireurs – sans que cela ne change toutefois grand-chose à leur efficacité.

Un nouveau modèle voit le jour en avril 1916 : le monoplace Nieuport 11 est équipé de mitrailleuses Lewis et conçu par l’ingénieur Gustave Delage – qui se spécialisera ensuite dans la fine mécanique et prendra les rênes de la manufacture d’horlogerie Jaeger (futur Jaeger-Le Coultre). Ce nouvel appareil s’avère de loin supérieur et permet à Baracca de signer, le 7 avril, sa première victoire aérienne – et, par la même occasion, la première victoire de l’aviation militaire italienne.

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Au cours de la même période, Baracca fait peindre son emblème personnel sur le flanc de son Nieuport 17 : un cheval noir cabré, en hommage à son premier régiment de cavalerie. Cet emblème et la maestria dont Baracca fait preuve dans les airs lui vaudront le surnom de « Chevalier du Ciel » auprès de ses coéquipiers. Baracca a déjà l’étoffe d’un héros national lorsque qu’il est détaché, le 1er mai 1917, à la 91e Squadriglia, l’escadrille des as où il montre rapidement une préférence pour le SPAD VII, un appareil français extrêmement maniable avec lequel Georges Guynemer cumulera également les victoires. L’avion, équipé du moteur Hispano-Suiza V8 du Suisse Mark Birkigt, se prête à merveille à sa tactique favorite : approcher l’ennemi par derrière, à basse altitude, jusqu’à ce que l’appareil soit à portée de tir.
Malgré ses nombreux succès, Baracca conserve toujours son attitude chevaleresque ; il lui arrive régulièrement de rendre visite à ses victimes à l’hôpital ou de fleurir leur tombe. Fin 1917, avec trente victoires à son palmarès, il est décoré par le roi Victor Emmanuel III de la médaille d’or de la valeur militaire lors d’une cérémonie à la Scala.

Les aviateurs italiens gagnent en confiance et entreprennent de mitrailler les troupes au sol en volant à basse altitude. Le 19 juin 1918, après 34 victoires, Francesco Baracca ne rejoint pas sa base après une mission à Montello. Son corps ne sera retrouvé que quatre jours plus tard à côté de l’épave de son SPAD VII. Il avait une blessure par balle à la tempe et tenait encore son révolver à la main. Sa mort a donné lieu à bien des hypothèses : selon les Autrichiens, le lieutenant Arnold Barwig aurait abattu son avion et Baracca se serait tiré lui-même une balle dans la tête pour ne pas tomber aux mains de l’ennemi. D’autres sources prétendent qu’il aurait été abattu au sol par l’artillerie.

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Enzo Ferrari

Lorsque Enzo Ferrari remporte son premier Grand Prix (la Targo Florio) le 17 juin 1923 en compagnie du mécanicien Giulio Ramponi sur le Circuito del Savio à Ravenne, sur Alfa Romeo RL, il reçoit la visite du comte Enrico Baracca – dont il avait fait la connaissance un peu plus tôt à Bologne. Son épouse, la comtesse Paolina Biancoli, lui permet d’utiliser sur ses voitures de courses l’emblème de son fils tué au combat – pour lui porter chance. « Je ne me suis jamais séparé de la photo de Baracca, signée par ses parents », écrivait Enzo Ferrari en 1985 – ajoutant que l’emblème du cheval noir était resté inchangé. Ferrari ne modifiera que la couleur du fond, remplaçant le blanc par le jaune, couleur de Modène.

Enzo Ferrari voit sa réputation de pilote grimper en flèche dans les années vingt. Il intègre l’équipe d’Alfa Romeo et devient directeur d’écurie. Il prend sa retraite sportive en 1932 à la naissance de son fils Dino. En 1929, il crée sa propre écurie, la Scuderia Ferrari, qui roule sur Alfa. Le cheval cabré de Baracca ne figure pas sur ses premiers véhicules. Il apparaîtra pour la première fois le 9 juillet 1932 en Belgique, à l’occasion des 24 heures de Francorchamps remportées cette année-là par Antonio Brivio et Eugenio Siena sur Alfa Romeo 8C-2300 LM. Le premier, également professionnel mondial de bobsleigh, remportera deux Targa Florio et une Mille Miglia. Siena se classera quant à lui deuxième aux Mille Miglia de 1934, avec Tazio Nuvolari.

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EEnzo Ferrari se lance dans la construction automobile en 1947 ; l’emblème de Baracca s’impose désormais sur chaque voiture.
Aux yeux des puristes de l’univers équestre, cet emblème est irréaliste : un cheval qui se cabre ne peut lever la queue… Francesco Baracca, cavalier émérite, ne l’ignorait certes pas : d’anciens documents prouvent d’ailleurs qu’il avait, à l’origine, dessiné son cheval la queue basse.

Notons enfin que le cheval cabré est également présent sur le logo de Porsche. Il s’agit ici d’une version miniature du blason de la ville de Stuttgart – dont le nom original, Stuutengarten, signifie « le jardin du haras ». Certains affirment encore que Francesco Baracca aurait recopié ce cheval sur le blason de la carlingue d’un avion allemand qu’il aurait descendu. Une coutume qui, à l’époque, se pratiquait couramment lorsqu’on accédait au statut d’ « as » (dès le 5e appareil ennemi abattu).

www.ferrari.com

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